Si j'avais coaché Gégé ?

Un jour, un coup de fil improbable me sortit de mon sommeil pour me faire entrer dans un rêve. C’était une fin de dimanche paisible où la chaise longue avait fini par m’absorber, anéantissant définitivement toute (bonne ?) résolution de course à pied.

 

Pourtant, le défi qui venait de m’être proposé était de taille et aurait dû pousser mes membres inférieurs à l’action. Mais, comme tétanisés, ils étaient restés en position allongée, remportant ainsi le combat face à une volonté réduite à l’incongrue par un cerveau qui commençait désormais à bouillonner par ses pensées.

 

Le challenge était aussi de poids, il s’agissait de remettre en forme les valseuses de Jean de Florette, le Jean Valjean de Montargis, Cyrano person-nez-fié. Oui, Gégé m’avait appelé !  On a toujours tendance à affubler de sobriquets nos personnalités préférées, c’est ainsi qu’était affectueusement appelé le grand Depardieu.

 

Une première image vint me frapper, celle de son personnage de Perrin dans les Compères où il distribuait coups de boules à qui se mettait en travers de sa route. Mon appendice nasal se sentit instantanément en danger et envoya un message d’alerte à ma boite crânienne : « Qu’allais-je faire dans cette galère ? ». Je m’étais engagé, il n’y avait plus de temps à perdre. Je devais vite me préparer à accorder ce « Stradivarius dans un corps de camionneur ».

 

… Et après plusieurs nuits sans sommeil, je suis là, planté devant la porte d’entrée de sa demeure. Un sentiment de vertige me prend soudain. Tout me parait gigantesque, comme si je rapetissais. La sonnette semble hors de portée de ma main, et, tendant fébrilement le doigt vers elle pour essayer de l’atteindre, je m’interroge une dernière fois : Vais-je être à la hauteur ?

La porte s’entrebâille lentement, laissant filer une ombre qui m’enveloppe complètement. Quand l’ouverture se fait pleinement, la masse se dressant face à moi est visiblement à peine réveillée malgré l’heure avancée de la journée. Le peignoir satiné révèle une volonté toute relative à exécuter une séance de sport. Gégé ne me donne pas le loisir de me présenter, sans doute sait-il déjà ce que je viens faire chez lui et ne doit-il subir ma présence que par la volonté d’un tiers bien intentionné.

 « Comme de toute façon ça va se terminer à l’horizontale, autant y aller tout de suite » osais-je, mais cette tentative d’envoi ne fit pas mouche. Tout juste ceci eu juste pour conséquence de lui faire ôter sa robe de chambre, laissant apparaître le pantalon élimé et distendu ayant servi à son personnage d’Obélix en cette fin du 20ème siècle. Si son confort et élasticité paraissaient indéniables, je me décidais instantanément de diminuer de moitié l’entrainement prévu en constatant la carrure imposante.  

Les premières répétitions sur les exercices d’échauffement étaient rythmées par les gémissements et maugréements de l’acteur.

Moi : - «Et de Un »

Gégé : - « Rrrrr »

-        « Deux »

-        « Rrrrr »

-        « Trois »

-        « Rrrrr »

-        ….

 

La séance promettait tout autant d’être longue dans cette atmosphère, que courte au niveau temporel. Mes encouragements ne suffisaient pas, trop banals, pas adaptés probablement à ce génie de la comédie, au roi de la déclamation. Je devais m’adapter comme pour chaque public rencontré, surprendre et jouer mon rôle aussi. J’imaginai ce que pourrais dire un metteur en scène, et je décidais de reprendre les mots d’un des auteurs dont il fut le héros : « Tant que le possible n’est pas fait, le devoir n’est pas rempli » (Victor Hugo). Ces paroles réveillèrent la bête ou tout du moins son orgueil. L’œil s’aiguisa, laissant apparaître une volonté de fer, prête à me surprendre. Il fallait attiser le colosse et les mots semblaient être le remède à son apathie chronique. L’homme de défi enchaina plusieurs abdominaux, puis pompes. Les bras tremblaient par cette énergie qui explosait, la magnitude étant telle que des secousses se firent sentir dans tout l’appartement, l’immeuble, le quartier !

 

Cependant après … deux séries le soufflet retomba. Gégé avait atteint la couleur vin, et lui le préfère rouge. Epoumoné, asphyxié même, il n’en pouvait visiblement plus. Mais si le corps était las, son verbe s’élevait toujours très haut. Comme tout acteur au charisme surdimensionné et à la mauvaise foi assumée, il sut s’en tirer par une pirouette : « J’ai bien bossé, à mon tour de te montrer mon sport ! ». C’est ainsi qu’en quelques secondes, je me retrouvais assis, un verre à la main en pleine agape. La soirée s’annonçait longue cette fois, mais à l’ambiance beaucoup plus légère.

 

 

Dans ce climat rasséréné, je lui demandais pourquoi il avait fait appel à moi. Était-ce pour un nouveau rôle d’Apollon qui nécessitait une forme retrouvée ou celui d’un athlète sur le retour ? Pensant obtenir un scoop, je n’eus en retour qu’un moment de suspend, suivi d’une de ses répliques les plus célèbres en forme de pied de nez : « On n’est pas bien là ? Paisible, à la fraiche ». Je restai muet, osant à peine esquisser un sourire afin de ne pas interrompre le silence qui s’ensuivit. Je remis le nez dans le verre pour lui laisser la dernière réplique. Il ne l’avait pas volée, la méritait même, car après tout, c’était bien lui la vedette de cet article.

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Commentaires: 4
  • #1

    nono (dimanche, 11 avril 2021 10:27)

    T'aurais pu lui chanter "Les Abeilles"..il aurait aimé..
    Un rêve original
    Bises

  • #2

    ParoledeCoach (dimanche, 11 avril 2021)

    Merci :)

  • #3

    Fabio (lundi, 12 avril 2021 08:17)

    Top frangin tu devrais écrire un bouquin

  • #4

    ANNE-MARIE CHRISTOPHE (mercredi, 14 avril 2021 17:24)

    Paroles de coach bien décalées !! qui apportent un peu de dérisions et d'humour, non seulement bien agréables à lire, mais qui "reboustent" !! "Philosophie" à méditer pour tout un chacun peut-être par ces temps qui courent!!!Bravo à toi