Le grand brun avec une chaussure jaune

Pierre Richard aurait été un très bon runner j'en suis sûr !

En pleine préparation d'un marathon, je racontais un jour à un ami ma sortie dominicale de plus de 2 heures. Je lui narrais, non sans une certaine fierté, tous les chemins pris, les fractionnés réalisés, mais aussi les exercices à planifier, répéter avant l'échéance, et j'avais l'impression qu' en tant que non spécialiste, il était pour le moins impressionné par mon récit, jusqu'à ce qu' il conclut notre conversation en disant : "Ben dis donc, t'as rien d'autre à foutre de la journée !" ... 

 

Alors la voilà notre réputation ! Le runner court pour passer le temps et le running, ça ne sert à rien !

 

Mais là je dis stop ! C'est complètement injuste ! ... Courir ce n'est pas juste un simple mode de locomotion caractérisé par une phase de suspension, ne soyons pas aussi réducteur. Chaque personne s'adonnant à cette pratique ne s'est pas dit un jour "Je suis trop maladroit dans les autres sports, je n'ai qu' à faire de la course à pieds !". On ne s'improvise pas runner, il y a de la technique à apprendre, un pieds pronateur ou supinateur à déceler, une montre gps à acheter ... alors vous voyez bien que cette activité n'est pas à la portée du premier bipède venu ...

 

En fait la plus grande maladresse est sans doute celle avec laquelle je vous parle de tout ça. Loin de ces explications fumeuses, je voudrais n'y montrer que mon attachement indéfectible à cette discipline qui m'apporte tant.

.... Parce que le running, c'est pas seulement "un pieds devant l'autre aussi longtemps que possible."

Ce sont d'abord des émotions ...

C'est l'enfant qui court après le chien tout en riant, la joie d'une ligne d'arrivée passée  ...

C'est l'infinité de ce qui pourrait être, en face de la nullité de ce qui est ...

Parce que la vie est ailleurs, et mon tailleur is rich ...

 

Moi j'aurais voulu être la foulée de Kipketer, le coeur de Gebrselassie, la volonté de Mimoun ou Zatopek ... Mais je ne suis pas Gebre, je suis pas Mimoun ... Je sais seulement qu' "on ne peut pas approcher les grandes choses sans en être un peu grandi soi-même", et que c'est aussi grâce à eux que je fais de la course à pieds.

 

Parce qu' avec eux, on peut toucher cette expérience commune de l'effort, mais dans grande légèreté, comme ultime élégance. Et puiqu'avec le running, on ne touche le fond des choses que de la pointe des pieds, ce que je ressentais comme tout le monde, ils m'en ont parlé comme personne. 

Depuis eux je sais que course et émotions sont intimes ... qu' il y a dans l'un et l'autre un bourreau et une victime ... Être un "héros" de course à pieds, c'est trouver sa majuscule à l'ordinaire ...

 

C'est être un peu plus comme les autres que les autres ...

 

Texte adapté à partir du livre Comme un poisson sans eau de Pierre Richard (éditions Le cherche midi, 2003)

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Commentaires: 1
  • #1

    Polo (samedi, 24 février 2018 10:55)

    Bel article!
    Concernant cet ami du dimanche, j'ai une petite idée!