Petite chronique du dimanche soir

Qu'est ce qui nous pousse à aller nous entrainer ?

course a pied, hommage a michel serres

Cent fois sur le métier remettez votre ouvrage ! Et pourtant qu’il est parfois difficile quand, perclus de douleurs et courbatures, il s’agit d’enchainer une nouvelle séance d’entrainement. Bien sûr je ne parle ici que de course à pied pour nous amateurs de bien-être, mais quiconque s’étant déjà fixé un objectif et adonné à une préparation pourra témoigner de la difficulté à y retourner.

 

Se motiver, éviter de penser à la fatigue accumulée et se laisser guider en se disant que tout cela ne se passe que dans la tête, que le corps semble être en avant en matière d’adaptation. Il a cette capacité de pouvoir des choses que je ne sais pas encore, on pourrait donc, d’une certaine façon, le percevoir comme un potentiel.

 

Le cycle de l’apprentissage se déroule ainsi. Il y a chez l’être humain une capacité à inventer par le corps. Le geste, maintes fois répété, est peu à peu digéré au point d’en être oublié et devenir inconscient. Car si pendant ce temps les circuits neuronaux se mettent en place dans notre cerveau pour stabiliser cet apprentissage, nous ne savons pas tout le temps mettre des mots sur ce que nous sommes désormais capable de réaliser. Presque tout ce que nous apprenons est oublié rapidement s’il n’est pas utilisé, alors il s’agit avant tout d’installer une routine, et même si ce mot renvoie à une idée d’enracinement, de stagnation, il revêt un socle utile et nécessaire à l’invention par notre corps. Le savoir s’intègre mais il lui faut du temps, de l’espace. Et le plaisir naît, se renforce par la perspective de nos possibilités accrues.

 

Programmer un renforcement musculaire deux jours après une longue séance de running ne réjouira personne. On y discernera, à première vue, que futures douleurs et courbatures. Nos pensées, languissantes, n’auront de cesse de nous rappeler notre état présent. Mais il y aura cette idée du corps en mouvement, de nos capacités développées qui nous feront avancer. En réalisant cela nous aurons le sentiment de nous réapproprier notre corps, d’être acteur de notre bonne santé. Muscles, squelette, organes seront le point de départ pour stimuler de nouvelles pensées plus positives cette fois.

 

Michel Serres, académicien et philosophe de son état, nous a quitté dernièrement et en tant qu’admirateur, je ne pouvais qu’essayer, modestement, de rendre hommage à cet homme qui continue de m’inspirer. Bien que maître à penser, il a toujours voué un culte au sport, et une reconnaissance à ses professeurs de gym et entraineurs qui « lui ont appris à penser ». Courir pour apprendre, courir pour méditer, voilà bien un raccourci que je me permets d’ajouter comme ultime frivolité sur les bénéfices à la répétition de l’effort.

 

J’ai relu deux de ces ouvrages* sur le sport avant d’écrire ces quelques lignes, et après avoir parcouru la dernière page et refermé le livre, j’ai ressenti une profonde reconnaissance envers ce monsieur pour tout ce qu’il m’a apporté grâce à ses réflexions et idées qu’il a su vulgariser afin que je puisse les entendre et appliquer.

 

Il faisait partie de ces gens qui ont plus à dire que montrer ou afficher, alors, pour tous ceux-là je n’aurai qu’un conseil à formuler, fermez les yeux, tendez les oreilles … et écoutez !

 

* Variations sur le corps, Le Pommier, 1999

 

* Corps, Carnets Nord, 2017

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