T'étais pas prêt !

Tout ça est arrivé un peu comme par sorcellerie. Un virus arrivé de trop loin pour qu’on l’ait vu venir est apparu dans ta vie. Tu ne l’as d’abord pas pris au sérieux, l’appelant « grippette » comme on traite de mauviette le petit du groupe, mais sous ses allures microscopiques, il avait bien plus de « cojón » que toi. Alors quand tout s’est agité, qu’il a fallu se confiner et que chez toi tu n’avais plus de rouleau de papier pour t’essuyer …

 

T’étais pas prêt !  

 

Tu as commencé par prendre les choses du bon côté, pensant Netflix, Playstation et Skype apéro quand femme, enfants et leçons à réviser te ramenèrent à la réalité. Une idée de grande évasion a peu à peu pointé le bout de son nez masqué : Il fallait t’échapper. Tu commenças alors à te creuser les idées pour élaborer un plan sans accroc, et tel un sauveur, M. Macron qui te souffla une bonne raison. Mais quand tu as ouvert ton armoire pour y trouver trace de vêtements de course à pied, tu as soudain compris que …

T’étais pas prêt !

 

Tu as finalement découvert que, entre le jogging peinturluré, celui pour le dimanche dans le canapé tu n’avais que l’embarras du choix. Pour les chaussures, c’était un peu plus compliqué. Tu ne pouvais décemment pas les ôter à ton chat qui, depuis leur dernière utilisation il y a 10 ans, leur avait promis le rôle de chatière secondaire. Ainsi dépareillé, tu t’apprêtais à t’extirper, pour 1h pas plus, de ton appartement. Mais au moment de claquer la porte d’entrée et d’abandonner femme et enfants, dans un soupir désabusé, tu t’es dis que décidément face à cette situation …

T’étais pas prêt !

 

Mais ça y est tu étais lancé, et quant au premier virage tu découvris une foule déguisée comme toi, tu pensas que la mode était sans doute revenue aux années 90. Le vice étant même pousser jusqu’aux coiffures semblants tout droit ressuscitées de cette décennie. Le confinement était-il terminé et tu n’en avais pas été informé ? Tout le monde avait-il eu la même envie que toi ? Quoiqu’il en soit tu te devais de zigzaguer pour maintenir avec les autres la distance sécurité. Tu croisas quelques runners aguerris aigris, pensant que leur trottoir était affaire de territoire mais qui, en cette période de bande désorganisée, n’avait d’autre choix que de supporter les autres. En voyant toute cette foule, eux aussi ne pouvaient cesser de penser qu’ils …

N’étaient pas prêts !

 

Cherchant ton second souffle depuis une dizaine de minutes, tu regardas ta montre pensant que ton heure allait bientôt sonnée. Avec surprise et étonnement, tu constatas que 45min … restaient à ton crédit. C’était trop bête, autant en profiter. Tu décidas de rassembler tes forces pour continuer mais c’est à cet instant que, fauché en plein élan, tu fus stoppé par deux policiers postés ici pour contrôler ton attestation. Afin de convaincre les forces de l’ordre de te laisser filer sans ton laisser passer, tu adoptas le discours du naïf et innocent, ayant malheureusement perdu ton document. Tes talents d’acteur découverts lors du spectacle de fin de sixième ne soulevèrent pas le même enthousiasme auprès des autorités que chez tes parents à cette époque. Même si la naïveté fut retenue par le jury, pour l’innocence rien n’y fit. Mais toi-même tu savais qu’au fond tu avais tort car en fait ton papier ….

Etait pas prêt !

 

Dégoulinant et délesté de 135€, tu étais rentré à ton appartement. Tu soufflais et faisait du bruit pour te faire remarquer auprès de tes proches qui semblaient se désintéresser de l’exploit sportif que tu venais de réaliser. Ton cœur battait encore la chamade lorsque ta femme … t’interrogea sur ta pâleur, mais tu feignais d’être en forme, de n’avoir pas trop forcé et même, d’être surpris de ne ressentir aucune douleur. Cependant quand tu allas chercher une bouteille d’eau dans ton frigo, tu savais qu’au contraire d’elle, toi …

T’étais pas frais !

 

Mais après tout peu importe la raison et la motivation, l’important est de commencer, d’enclencher le cycle et j’accorderai toujours mes louanges à cela plutôt que critiques inappropriées. Ne voyez ici que respect et encouragements au détour d’un second degré d’une com’ finement maitrisée. J’espère que, passées tes courbatures, tu voudras de nouveau chasser le chat de tes souliers et que, de fil en chemin, naitra ou réapparaitra le plaisir de se mouvoir, puis qu’à la joie de courir tu ajouteras bientôt le bonheur de partager cette activité. Continue, insiste et quand dans quelques jours ta liberté sera rendue, que courir ne sera plus une obligation mais que cette activité te manquera, alors là oui …

 

Tu seras prêt !

 

 

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Commentaires: 3
  • #1

    Nono (vendredi, 08 mai 2020 11:15)

    Effectivement, on pensait , comme dit" vox populi" être" prêt à tout"
    La vérité c'est qu'on est "jamais prêt" vraiment..
    En sport...on appelle çà ..la glorieuse incertitude..
    pour le coup !!!

  • #2

    anne marie (vendredi, 08 mai 2020 18:24)

    Humour piquant , et bien réjouissant à lire (on te reconnaît bien là!!) ;
    Evidemment nous ne pouvons que faire les constats, un peu "amers"!!… mais le "sucré" va suivre sans aucun doute!!…
    Merci de ces moments de lecture…;

  • #3

    ParoledeCoach (samedi, 09 mai 2020 12:08)

    Merci